Page:Eliot - Middlemarch, volume 2.djvu/428

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laient tumultueuses devant cette image et s’amassaient en elle sans raison et sans objet. Son excitation avait besoin d’agir. Elle se sentait la force de marcher et de travailler tout un jour sans boire ni manger. Elle ferait ce qu’elle avait résolu de faire le matin même ; elle irait à Freshitt et à Tipton dire à sir James et à son oncle tout ce qu’elle voulait qu’ils sussent au sujet de Lydgate, dont l’isolement dans le mariage au milieu d’une si cruelle épreuve se présentait maintenant à elle avec une signification nouvelle et la rendait plus ardente et plus empressée à se faire son champion. Jamais, durant toute la lutte de sa vie conjugale, elle n’avait rien ressenti de pareil à cette puissance triomphante de l’indignation, parce qu’alors il y avait toujours eu de sa part un mouvement de soumission rapide et douloureux ; elle put croire à une force nouvelle en elle.

— Dodo, comme tes yeux sont brillants ! dit Célia quand sir James eut quitté la chambre. Et tu ne vois rien de ce que tu regardes, ni Arthur ni personne. Tu es sur le point de faire quelque extravagance, j’en suis sûre. S’agit-il de Lydgate ou de quelque autre chose ?

Célia avait l’habitude d’observer sa sœur tout en attendant sa réponse.

— Oui, chérie, bien des choses se sont passées, dit Dorothée de sa voix pleine.

— Je me demande lesquelles ? dit Célia, se croisant agréablement les bras et se penchant en avant.

— Oh ! toutes les peines de tous les malheureux sur la surface de la terre, répondit Dorothée levant les bras et les croisant derrière sa tête.

— Grand Dieu, Dodo vas-tu faire des plans pour eux ? s’écria Célia un peu troublée par cette divagation à la Hamlet.

Mais sir James entra, prêt à accompagner Dorothée à la Grange, et elle mena à bonne fin tout ce qu’elle voulait