Page:Eliot - Middlemarch, volume 2.djvu/458

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

que je m’en aille. On m’a toujours reproché de manquer de mesure et de trop parler.

Elle tendit la main à Rosemonde, et elles se dirent un adieu sérieux et calme, sans baiser ni autre marque d’effusion : qu’avaient-elles besoin entre elles de ces signes extérieurs, après la grave émotion de leur entrevue !

Pendant que Lydgate la reconduisait jusqu’à la porte, elle ne dit rien de Rosemonde, et lui parla seulement de M. Farebrother et de ses autres amis qui avaient écouté avec confiance le récit de son histoire.

Quand il revint auprès de Rosemonde, elle s’était déjà jetée sur le sofa dans une lassitude résignée.

— Eh bien, Rosy, dit-il, se tenant debout devant elle et caressant ses cheveux, que pensez-vous de mistress Casaubon, maintenant que vous avez bien vu ce qu’il y a en elle ?

— Je pense qu’elle doit être meilleure que n’importe qui, dit Rosemonde, et elle est bien belle. Si vous allez si souvent la voir, vous serez plus mécontent de moi que jamais ! Lydgate rit de ce « si souvent ».

— Mais vous a-t-elle rendue un peu moins mécontente de moi ?

— Je crois que oui, dit Rosemonde, levant les yeux sur lui ; comme vous avez les yeux battus, Tertius et puis, repoussez un peu vos cheveux en arrière.

Il leva sa grande main blanche pour lui obéir et se sentit reconnaissant de cette petite marque d’intérêt. L’imagination vagabonde de la pauvre Rosemonde était revenue de ses voyages terriblement châtiée, assez faible pour se réfugier maintenant sous l’abri jadis dédaigné. Et l’abri était toujours là : Lydgate avait accepté sa destinée amoindrie avec une triste résignation. C’était lui qui avait choisi cette fragile créature et chargé ses bras du fardeau de cette existence. Il devait marcher comme il pourrait, et porter son fardeau avec pitié.