Page:Elzenberg - Le Sentiment religieux chez Leconte de Lisle, 1909.djvu/116

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placée à la fin des Poèmes tragiques comme une conclusion, il répète encore une fois la même idée :


Maya ! Maya ! torrent des mobiles chimères,
Tu fais jaillir du cœur de l’homme universel
Les brèves voluptés et les haines amères,
Le monde obscur des sens et la splendeur du ciel ;



mais aussitôt, il retourne l’analyse destructrice contre le sujet lui-même : le sujet non plus n’existe pas :


Mais qu’est-ce que le cœur des hommes éphémères,
Ô Maya ! sinon toi, le mirage immortel ?



ce que le texte en prose qu’on trouve dans Phalya-Mani exprime plus catégoriquement encore : qu’est-ce que le cœur de l’homme « sinon toi qui n’es rien ? » C’est ainsi que l’esprit, après avoir conçu l’illusion des choses, « conçoit fatalement sa propre inanité » ; cela est dit dans une pièce des Poèmes tragiques qui porte le titre bien significatif de Secret de la Vie. Le voici donc déjà au second degré de la négation ; il avait dit : « le monde n’existe pas » et, restant à michemin dan& son idée, il avait continué à parler de l’esprit sujet au moins comme d’une réalité : eh bien non ! l’esprit-sujet n’existe pas non plus, le monde n’est pas en lui, ils sont également irréels l’un et l’autre[1]. C’est la vraie doctrine hindoue, et entre

  1. Si l’on s’en tenait à l’opinion exprimée dans ce vers : « l’esprit qui vous songea vous entraîne au néant », on pourrait