Page:Elzenberg - Le Sentiment religieux chez Leconte de Lisle, 1909.djvu/158

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qui tournoie autour des pics ou s’engouffre entre leurs parois devient fatalement un concert de voix — démoniaques pour nous, mais, pour le païen, divines.

Les théoriciens expliquent ensuite comment, grâce à l’impuissance de l’homme primitif à s’imaginer dans la nature des forces agissantes autres que celles qu’il sent en lui-même, les Dieux deviennent nécessairement des Dieux anthropomorphes. Ce travail de l’imagination qui s’empare des formes naturelles, les façonne, les personnifie peu à peu et finit par ébaucher une vague figure humaine à travers laquelle transparaît toujours la nature pure, Leconte de Lisle le refait à son tour, et arrive ainsi au polythéisme védique, par lequel s’ouvre la série des Poèmes :


Sur ta face divine et ton dos écumant
L’abîme primitif ruisselle lentement.
Tes cheveux qui brûlaient au milieu des nuages,
Parmi les rocs anciens déroulée sur les plages,
Pendent en noirs limons, et la houle des mers
Et les vents infinis gémissent au travers[1].


Puis la personnification continue et s’achève, les Dieux sont des hommes par l’aspect, mais toujours quelque trace de leur origine persiste, et le Dieu

  1. Surya, le premier des Poèmes antiques.