Page:Elzenberg - Le Sentiment religieux chez Leconte de Lisle, 1909.djvu/164

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les temps sont révolus,
Vierge, et le monde impur ne nous reverra plus.


Les Dieux tiennent parole ; ils partent. C’est ainsi que Leconte de Lisle a trouvé moyen de donner l’explication naturelle des religions telle qu’il la conçoit sans recourir à la prose du théoricien, dans un poème où, bien loin de faire tort à la reconstitution vivante du monde païen, elle y est comme incorporée.

On peut juger par là de la vivacité de son sentiment païen, et quand il parlera de nature divine, on comprendra qu’il y a lieu de voir dans divine autre chose qu’une simple épilliète poétique. La nature divine[1], ces mots expriment l’identité parfaite du naturel et du divin.

Le pessimiste, et même en général l’homme moderne, ne peut goûter d’intimité avec la nature, dont le calme est une ins ilte à ses souffrances[2], que par une illusion poétique, et tous ces mots de tendresse, d’amour et autres semblables appliqués à la nature sont des métaphores et rien de plus. Quoi qu’on ait dit de son panthéisme, Leconte de Lisle, quand il regarde la nature avec ses yeux à lui, la voit inerte et morte. Mais le païen n’est pas comme le moderne ; il peut, lui, sans métaphore, se

  1. Le Runoïa [Poèmes barbares, p. 90]
  2. La Fontaine aux Lianes.