Page:Elzenberg - Le Sentiment religieux chez Leconte de Lisle, 1909.djvu/168

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sa poésie en est pleine, et ses meilleures strophes en portent la marque[1].

« Pénétration de la vie par l’idéal » (c’est maintenant un des mots qu’il préfère pour qualifier cet élément supraterrestre qu’à Rennes il n’appelait presque que du nom d’amour) : telle serait sa définition de l’esprit païen. Cette pénétration est universelle ; « l’idéal religieux » d’un peuple ne se sépare pas de sa « destinée humaine »[2]. Bien des textes des Poèmes pourraient en montrer l’application à la vie et aux passions de l’individu ; mais on sait que Leconte de Lisle s’intéresse avant tout à la vie collective. S’il a l’esprit religieux, il a aussi le sentiment social et même politique, et il ne peut admettre d’opposition entre l’un et l’autre. Dans Hypatie et Cyrille, « l’amour de la patrie et de la liberté », la législation des républiques, tout cela est, non sous la dépendance, mais dans l’alliance de la religion[3].

  1. On a assez remarqué les expressions religieuses qui reviennent chez lui appliquées à la nature : dans La Fin de l’Homme : fleuves sacrés, herbe divine, vivant encensoir ; dans Dies Iræ cette strophe :

    Il voit la terre libre, et les verdeurs sauvages
    Flotter comme un encens sur les fleuves sacrés,
    Et les bleus Océans, chantant sur leurs rivages,
    Vers l’inconnu divin rouler immesurés.

  2. Préface des Poèmes et Poésies.
  3. Poèmes antiques, pp. 280 et 281. Cf. Ménard, Polythéisme hellénique, p. 84 : « La religion consacrait l’amour de la patrie ; le culte était toujours mêlé à la vie publique… »