Page:Elzenberg - Le Sentiment religieux chez Leconte de Lisle, 1909.djvu/184

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un reflet étrange ; mais on le reconnaît aussitôt : c’est le reflet des poèmes pessimistes. Ainsi dans le Dernier des Maourys[1] :


                                                       la noire Nuit sans fin
D’où vient ce qui doit naître, où ce qui meurt retombe ;


ou comme dans les Érinnyes ce mot de « Nuit irrévocable »[2] qui autour des Dieux et des hommes crée comme une atmosphère de néant, de sorte que Zeus, et Hermès, et les enfants d’Agamemnon, apparaissent sur le fond de la Dernière Vision[3], avec l’« abîme pacifique » derrière eux. Un grand nombre de poèmes présentent cette juxtaposition de deux mondes différents. Dans le Dernier des Maourys, c’est d’abord la description de la nature, immense et triste, solide et massive, image visible du monde tel qu’il est : et c’est dans ce décor que le vieux chef évoque le rêve religieux de sa race. C’est à des hommes qui, pour venir où ils sont, ont dû faire le tour du globe, qu’il parle d’un Orient mystérieux et surnaturel :


J’ai fui vers l’Orient, où va l’âme des morts.

  1. Derniers poèmes.
  2. Partie II, scène II. [Poèmes tragiques, p. 207.]
  3. Voy. la dernière strophe de la pièce [Poèmes barbares, p. 249].