Page:Elzenberg - Le Sentiment religieux chez Leconte de Lisle, 1909.djvu/186

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ment dans ce cadre-là qu’apparaît l’imagination mythologique :


Mon enfant, mon enfant, ne trouble pas mon rêve :
Si le sépulcre est clos, l’esprit vole au dehors.
Va ! je bois l’hydromel dans la coupe des forts ;
Le ciel du Valhalla fait resplendir mon glaive,
Et la voix des vivants est odieuse aux morts.


L’intelligence est d’abord troublée par ce qu’il y a de discordant dans ces strophes ; mais il y a, dans ces deux tableaux qui se superposent, « l’immensité sombre » et le « ciel du Valhalla » une grande puissance poétique.

Mais, quand on fait un beau rêve et qu’on l’aime, il n’y a pas de subtilité à laquelle on ne consente pour s’imaginer que ce rêve est une sorte de réalité. Lee onte de Lisle, une fois lancé en pleine fantaisie, séduit aussi par l’exemple de Ménard qui, lui, croyait à tous les Dieux, se laissa entraîner à toute une philosophie de rêve par laquelle il essayait de donner quelque consistance à ses imaginations et à se taire croire à lui-même qu’elles n’étaient peut-être pas tout à fait fausses.

« Toute religion fut vraie à son heure ». C’est l’idée que, dans ses Essais de psychologie contemporaine, Bourget trouvait au fond de la poésie de Leconte de Lisle[1]. Deux ou trois ans plus tard,

  1. Les historiens de la religion, dit-il, sont arrivés à « con-