Page:Elzenberg - Le Sentiment religieux chez Leconte de Lisle, 1909.djvu/208

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Le Seigneur a maudit le fleuve dans la source,
La moisson dans le grain, l’homme dans le berceau,
Et toute chair gémit sans trêve et sans ressource,
Le Foudroyé l’ayant marquée avec son sceau.

Dans le plus innocent dort le germe d’un crime ;
Toute joie est un piège où trébuche le cœur…[1].


Le mal est l’état normal, si bien que, dès qu’il s’agit de dépeindre la nature humaine, l’homme le plus doux qui soit ne peut trouver d’expressions assez féroces[2]. Les chrétiens, toujours « au penchant de l’abîme », suent de la terreur du péché[3]. Alors que Dieu reste invisible, « muet au fond des cieux », le spectre du mal est partout. Il ne faut pas dire que les chrétiens, contrairement aux païens, n’ont aucune présence surnaturelle ; ils en ont une : le diable est toujours là :


Le prince des Brasiers est là qui me regarde[4].


L’idée de l’autorité tyrannique de Dieu et celle du mal aboutissent à la conception d’un Enfer éternel : l’Enfer est le couronnement dtu système, la clef de voûte de l’édifice. Une Loi besoin de sanction,

  1. Les Deux Glaives [Poèmes barbares, p. 311.]
  2. Hiéronymus.
  3. La Vision de Snorr, début [Poèmes barbares, p. 56.]
  4. Ibid.