Page:Elzenberg - Le Sentiment religieux chez Leconte de Lisle, 1909.djvu/212

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plie devant lui, c’est parce que le monde humain doit plier devant le monde divin, et que lui, pape, il est le représentant du monde divin ; sa toute-puissance n’est que la toute-puissance du dogme, et il le sait. C’est le plus sublime des croyants :


Le souci d’un pouvoir immense et légitime
L’enveloppe. Il se sent rigide, dur, haï.
Il est tel que Moïse, après le Sinaï,
Triste jusqu’à la mort de sa tache sublime.

Rongé du même feu, sombre du même ennui,
Il savoure à la fois sa gloire et son supplice,
Et couvre l’univers d’un pan de son cilice.
Ce moine croit. Il sait que le monde est à lui.


Non, c’est au principe même d’une autorité divine, d’un dogme, d’une foi, que Leconte de Lisle s’attaque ; c’est cela qu’il hait à mort. Il tenait à la vie, la vie en soi, d’un attachement trop absolu pour concevoir seulement qu’on pût ne lui accorder qu’une valeur de moyen : il comprenait qu’on y renonçât ; mais la subordonner, non. Qu’est-ce qui fait qu’il a pu trouver satisfaction dans le paganisme grec et dans l’ascétisme hindou, deux conceptions si opposées ? C’est que dans l’une et dans l’autre, la fin dernière est l’homme ; toute la différence, c’est que le paganisme est fait pour l’homme heureux, et le brahmanisme ou