Page:Elzenberg - Le Sentiment religieux chez Leconte de Lisle, 1909.djvu/219

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

se le demande ; mais sa haine est bien étroite et bien aveugle. Le christianisme, c’est-à-dire naturellement le catholicisme, est un amalgame fait de toute l’iniquité, stupidité, laideur et férocité que la nature humaine, soigneusement cultivée, est capable de produire : tout ce qu’il y a en Leconte de Lisle d’horreur pour l’humanité se concentre dans ces poèmes, comme tout ce qu’il y a d’amour dans les poèmes grecs. Le parti pris est terrible[1]. Pour se rendre compte de l’évolution, que l’on compare la peinture de la papauté dans les Deux Glaives à ce qui en est dit dans les États du Diable[2] ; ou encore les quelques vers des Paraboles sur les croisades à ceux du Lévrier de Magnus[3]. Il a soin de faire savoir à la moindre occasion qu’il n’admet pas les circonstances atténuantes, et que s’il y a deux interprétations possibles d’un fait, il choisira

  1. M. Vianey [Les sources de Leconte de Lisle, p. 244 et suivantes] fait observer que dans les six pièces sur le moyen âge espagnol, dont les héros sont des coquins ou tout au moins des brûles, tous les traits de piélé sont ajoutés par Leconte de Lisle et ne se trouvent pas dans les sources il les ajoute pour bien montrer que la piété chrétienne et la coquinerie vont ensemble.
  2. Le « saint-siège romain », exalté autrefois avec une sorte de poésie mystique, devient « le siège où le scélérat devient pire », et le terme d’« ordure effroyable » n’a pas paru trop fort à Leconte de Lisle.
  3. Poèmes barbares, p. 342, et Poèmes tragiques, p. 113.