Page:Elzenberg - Le Sentiment religieux chez Leconte de Lisle, 1909.djvu/222

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attaques ne valent rien, qu’elles portent sur le christianisme ou le socialisme, l’aristocratie ou la démocratie, l’art classique ou l’art romantique. Nous demandons à un poète d’élargir notre monde, non de le rétrécir. Certainement, nous savons par ailleurs quel est l’idéal de Leconte de Lisle ; mais en sentons-nous quelque chose dans les Siècles maudits ou dans l’Holocauste ? On préférera assurément à cette malencontreuse série les belles stances à l’Italie sur la liberté, ou mieux encore le Soir d’une bataille. Et enfin Leconte de Lisle ne s’est-il pas aperçu que pour un homme qui a chanté Hypatie et le Barde de Temrah, ce rôle qu’il joue à l’égard d’une religion en baisse est presque un vilain rôle, un peu celui d’un roi Murdoc’h en poésie ? Il y a là toute une partie de son œuvre, pas trop considérable heureusement, qui ne fait que compromettre le reste et qu’on finira bien par laisser tomber[1].

  1. Louis Ménard n’est certes pas un juge suspect : il était l’ami de Leconte de Lisle, il n’aimait pas le monothéisme et il détestait l’Église ; il dit cependant dans son article de la Critique philosophique sur Leconte de Lisle : « Il parle du moyen âge catholique et monastique, de la papauté surtout, avec trop de colère ; il n’est pas assez impassible. Le sacerdoce, qui est l’élément diabolique des religions, l’empêche de voir le symbole, qui en est l’élément divin. » Ménard ajoute : « la poésie n’a pas à prendre part dans les querelles divines » ; le lecteur désintéressé n’en demande pas tant, il veut simplement qu’elle prenne part pour, et non seulement contre.