Page:Elzenberg - Le Sentiment religieux chez Leconte de Lisle, 1909.djvu/40

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absolu. Mais ce qui est bien plus grave, c’est qu’on peut très sérieusement se demander s’il est vraiment convaincu du caractère divin du christianisme, de la divinité du Christ. On peut citer des indices pour et contre. On peut dire par exemple que l’expression « ange du Christ », dont il se sert en un endroit[1], paraît bien élever Jésus-Christ au rang de la divinité ; mais d’autre part, il a fait toute une petite pièce sur l’enfance du Christ[2] où non seulement il n’y a aucune allusion de ce genre, mais où l’on trouve même un vers qui a pu être interprété en sens contraire, quand le poète dit :

Enfant, toi le plus beau des enfants d’un mortel.

Il est vrai que puisqu’on dit fort bien « le Fils de l’Homme », Leconte de Lisie a pu parler d’« enfant d’un mortel » en pensant à la famille mortelle de David dans laquelle Jésus est né : toujours est-il qu’un doute subsiste et que, dans les quelques centaines de pages qu’il a écrites à Rennes, il n’y a pas une claire et bonne affîrmatio :i de ce dogme fondamental, ni rien, en général, qui attribue au christianisme une origine divine et révélée. Certes, il l’appelle la « suprême aurore » de l’intelligence humaine[3] ;

  1. Premières poésies et lettres intimes, p. 147.
  2. Issa ben Mariam, dans la Variété.
  3. Esquisse sur Chénier.