Page:Emile Zola, Mes haines - Mon salon - Edouard Manet, Ed. Charpentier, 1893.djvu/147

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pays, dit-il, qu’il fallut couper de canaux pour le rendre habitable, n’était pas favorable aux évolutions de la lourde cavalerie des seigneurs. » D’autre part, cette assertion que les montagnes de nos frontières nous donnent d’excellents soldats, tandis que nos côtes nous fournissent nos meilleurs marins, n’a rien de paradoxal et me paraît même un peu puérile. Mais l’écrivain va plus loin : il établit des ressemblances entre différents plateaux, entre différentes vallées ; il compare l’Auvergne à la Vendée, le bassin de la Seine au bassin de la Garonne, et il veut que ces pays, de natures et de terrains semblables, produisent des hommes semblables.

M. Victor Duruy frise là le système qui a été reproché si durement à l’auteur de l’Histoire de la Littérature anglaise. Il dresse toute une carte morale : le Midi produit des artistes, l’Ouest, au contraire, en est pauvre ; les architectes et les rédacteurs de nos coutumes viennent du Nord, les savants se trouvent un peu partout. Il en arrive même à écrire cette phrase, en parlant de nos provinces : « Toutes ont leur culture propre, et donnent à leurs habitants des usages et un caractère différents, même une constitution médicale particulière. » Et plus bas : « Changez le milieu où l’homme vit, et vous changerez, au bout de quelques générations, sa constitution physique, ses mœurs, avec bon nombre de ses idées. » M. Victor Duruy s’aperçoit alors qu’il va appeler sur sa tête les foudres des spiritualistes, et il se hâte d’apporter au système quelques restrictions. Il adoucit sa pensée. « Nous croyons,