Aller au contenu

Page:Emile Zola, Mes haines - Mon salon - Edouard Manet, Ed. Charpentier, 1893.djvu/176

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

les lecteurs de cette légende, d’une aventure qui a un grand mois de date, c’est que j’espère, non pas apporter aux débats quelques bons arguments, mais tirer une morale de mes appréciations et en finir une fois pour toutes en criant bien haut ce que je crois être la vérité. J’ai parlé du Supplice d’une femme, je dois parler des Deux Sœurs.

Avant d’examiner la pièce, je m’occuperai de la critique, de ce public des premières représentations qui a accueilli l’œuvre d’une façon si bruyante. Ce public est étrangement mêlé ; il y a là des gens étrangers à toute querelle littéraire, il y a des journalistes, des amis, des hommes instruits et du meilleur monde, attirés par la notoriété plus ou moins grande du nom de l’auteur. La salle, ainsi composée, est intelligente et fine, apte à goûter dans leur saveur les fruits les plus délicats de l’intelligence ; je ne dis pas que cette assemblée n’ait point une préférence marquée pour les vaudevilles épicés et les comédies sentimentales de notre époque, mais je ne lui fais pas non plus l’injure de la croire insensible aux belles et fortes choses. Donc, elle était parfaitement capable de comprendre et d’applaudir les Deux Sœurs, Elle a ri et murmuré devant ce drame que, sans le juger encore, je trouve poignant et énergique. Il doit y avoir une cause à ces rires et à ces murmures du premier jour. J’écarte la pensée d’une cabale, dans l’acception stricte de ce mot ; il serait puéril de croire que ces deux milliers de personnes se sont entendus, ont conspiré dans quelque coin