Page:Emile Zola, Mes haines - Mon salon - Edouard Manet, Ed. Charpentier, 1893.djvu/208

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est vrai, car le mensonge ne saurait avoir cette émotion ni cette terrible exactitude. C’est la gloire du capitaine jugée par le soldat. Le sang coule, les entrailles se répandent, les cadavres emplissent les fossés ; puis, parmi les morts, dans la plaine rouge et navrante, passe par instants une rapide apparition, Napoléon, gris et froid, pâle au milieu de la pourpre du combat, la face éclairée comme par la lumière blanche des baïonnettes. Je ne connais pas de plus beau plaidoyer contre la guerre que ces pages émouvantes. Mais, quelle pauvreté dans la partie romanesque ! comme ces ouvrages sont mal agencés et mal distribués !

Ce n’est plus l’heureux équilibre de Madame Thérèse ; il n’y a plus de livre, mais seulement de beaux fragments. Les amours de Joseph Bertha et de Catherine sont puériles ; ils se mêlent gauchement à la trame du récit. Dans Waterloo surtout, cette complète séparation des deux éléments est très sensible. Le volume est séparé en deux parties : la première qui se passe en pleine idylle, la seconde en pleine épopée. Pendant cent cinquante pages, nous assistons aux soupirs et aux sourires de Joseph et de Catherine, aux sages discours de M. Goulden ; pendant cent cinquante autres pages, nous courons les champs de bataille. Il y a là deux histoires. L’ouvrage pèche par un manque d’harmonie. Je préfère, à ce point de vue, l’Histoire d’un Conscrit de 1813, où le récit commence plus vite.

Enfin, le Fou Yégof est un épisode de la grande in-