Page:Emile Zola, Mes haines - Mon salon - Edouard Manet, Ed. Charpentier, 1893.djvu/220

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ses démences mêmes ; il cherchera la bête dans l’homme, et il applaudira lorsqu’il entendra le cri de la chair. Sans doute, il n’applaudira pas tout haut, il tâchera de garder le visage impassible du juge ; mais il y aura un certain frémissement dans la phrase qui témoignera de toute la volupté qu’il prend à écouter la voix âpre de la réalité. Il aura des sourires pour les écrivains et les artistes qui se sont déchirés eux-mêmes, montrant leurs cœurs sanglants, et encore pour ceux qui ont compris la vie en belles brutes florissantes. Il aimera Rubens et Michel-Ange, Swift et Shakespeare. Cet amour, chez lui, sera instinctif, irréfléchi. Ayant le profond respect de la vie, il déclarera d’ailleurs que tout ce qui vit est digne d’étude, que chaque époque, chaque homme méritent d’être expliqués et commentés. Aussi, lorsqu’il arrivera à parler de Walter Scott, le traitera-t-il de bourgeois.

Tel est l’esprit qui, l’année dernière, a été appelé à professer le cours d’esthétique à l’École des beaux-arts. Je laisse, dès maintenant, l’écrivain de côté, et je ne m’occupe plus que du professeur, qui enseigne une nouvelle science du beau. D’ailleurs, je ne désire examiner que ses premières leçons, que sa philosophie de l’art. Il applique cette année ses théories, il édudie les écoles italiennes. Ses théories seules m’intéressent aujourd’hui, et je n’ai pas à voir avec quelle compétence et quelle autorité il parle des trésors artistiques de cette Italie qu’il a visitée dernièrement. Ce qui m’importe, c’est de saisir le mécanisme de sa nouvelle esthétique, c’est d’étudier en lui le profes-