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L’ABBÉ

l’action d’un honnête homme. Les mauvaises suppositions É sont trop aisées. On signe hardiment lorsqu’on a des croyances hardies. Vous êtes prêtre, je le veux bien ; mais vous auriez dû le dire entièrement, ou ne pas le dire du tout. Le dire à moitié, c’est bénéficier du scandale sans en courir les risques. Il y a en vous plus du spéculateur que de l’homme convaincu.

Devant votre masque noir, je me dis : « Voilà un gaillard qui ne gagnait pas assez avec ses messes ; il a calculé qu’il empocherait dix fois davantage en insultant l’Église, et il s’est mis tranquillement à la besogne, se cachant le visage, pour éviter tous désagréments. »

Si l’auteur est laïque, l’improbité littéraire, le chantage sont flagrants. Les temps sont à la controverse religieuse, il y a un mouvement très marqué contre le catholicisme. Dès lors, un spéculateur a pu songer à tirer parti de la disposition de certains esprits. Il aura établi un chantier de pamphlets, calculant toutes les chances de réussite, choisissant des titres de mélodrame, signant d’un pseudonyme qui est à lui seul un trait de génie et une mauvaise action, servant au peuple une prose lourde et pâteuse, telle qu’il en faut aux lecteurs des feuilles à cinq centimes. Il n’y a plus, dans ce cas, qu’un commerçant peu délicat qui profite de la sottise publique, qui vend sous une fausse étiquette une marchandise indigeste et avariée.

Dans l’une et l’autre hypothèse, que l’auteur soit prêtre ou qu’il soit laïque, les œuvres appartiennent