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Page:Emile Zola, Mes haines - Mon salon - Edouard Manet, Ed. Charpentier, 1893.djvu/248

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L’histoire, contée ainsi d’homme à homme, a l’intérêt d’une confidence et d’une résurrection ; les âges anciens passent devant nous, nous vivons dans les époques antérieures, voyant et touchant les grands hommes ; si cette familiarité nous enlève un peu du respect que nous avions pour eux, nous gagnons à ce commerce intime une plus profonde connaissance de leur cœur, et nous sentons plus de fraternité entre eux et nous ; nous avons plaisir à découvrir un homme sous le héros, et l’histoire de l’humanité nous devient sympathique, car nous entendons battre en elle notre propre cœur, nous la voyons vivre de notre vie. Je le sais, cette méthode historique n’a pas la gravité respectable de l’autre ; elle est brusque dans ses allures, et ne prétend pas trouver les lois d’après lesquelles s’accomplissent les événements. Elle manque de solennité, elle se refuse à formuler des systèmes, elle se contente d’étudier l’homme pour l’homme, le fait pour le fait. Elle est analyse, et non pas synthèse. Mais je l’aime pour sa verdeur et sa liberté d’allures ; il me semble qu’elle est fille de notre siècle, qu’elle est née parmi nous qui sommes affolés de réalité et de franchise.

L’auteur de l’Histoire de Jules César appartient à la première école. « Il faut, dit-il, que les changements politiques ou sociaux soient philosophiquement analysés, que l’attrait piquant des détails sur la vie des hommes publics ne détourne pas l’attention de leur rôle politique et ne fasse pas oublier leur mission providentielle. » C’est là tout un programme ; je com-