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Page:Emile Zola, Mes haines - Mon salon - Edouard Manet, Ed. Charpentier, 1893.djvu/25

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merce est plus douloureuse ; ces âmes préféreraient que le commerçant fût un homme perdu de scepticisme et de libéralisme. J’avoue ne pas m’inquiéter de cette question. Je n’ai pas la moindre curiosité à l’égard du personnage ; je me garde bien de chercher à percer le mystère. Que l’auteur soit seul ou qu’il ait des collaborateurs, qu’il soit prêtre ou qu’il soit laïque, il n’en est ni plus ni moins pour moi un homme sans talent, peu scrupuleux sur les moyens de succès. Ce serait lui faire trop d’honneur que de vouloir lui arracher le masque dont il est couvert. Quelques-uns de mes confrères, dans les commencements, ont essayé de pénétrer l’ombre dont s’entoure l’abbé*** ; ils ont fouillé ses livres, et les uns ont déclaré avoir aperçu un bout de soutane, les autres un bout de redingote. Moi, je déclare avoir fermé volontairement les yeux ; je n’ai vu qu’un faiseur, qu’un manufacturier inhabile, se cachant pour se faire chercher et ne méritant pas la curiosité des honnêtes gens.

Je dois faire ici une déclaration qui donnera un nouveau poids à mes critiques. Je n’entends pas défendre le catholicisme attaqué ; je ne blâme nullement l’abbé*** d’avoir ébranlé certaines institutions d’une main bien faible et bien maladroite. Je prie les lecteurs de ne pas se tromper sur les causes de ma colère. Je mets à part, avant tout, la question philosophique et religieuse, car sur ce terrain, en quelques parties, je pourrais tendre la main au spéculateur. Mon cri d’indignation n’est que le cri d’un honnête homme et d’un artiste révolté.