Page:Emile Zola, Mes haines - Mon salon - Edouard Manet, Ed. Charpentier, 1893.djvu/53

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un fils de la terre, un de ces rudes fils de paysan, au cou de taureau, aux pensées fortes et puissantes. Il s’est fait prêtre, poussé par son amour de l’étude ; puis, ne pouvant apaiser son insatiable désir, il va plus avant dans la science, et dès lors il nie Dieu qui a son vicaire à Rome, il rentre dans la vie commune, il se marie. Sombreval a épousé la fille d’un chimiste, son maître ; la jeune femme lui donne une enfant, Calixte, et meurt en apprenant la véritable histoire de son mari. C’est là le second meurtre du prêtre marié, qui a déjà tué son père par son parjure. Le titre du Roman devrait être : la Fille du Prêtre, car l’œuvre est tout entière dans cette Calixte, pâle et émaciée, secouée par une névrose terrible, portant au front, entre les sourcils, une croix qui se dessine en rouge sur la blancheur de la face. Le père, qui a reporté sa foi dans l’amour de cet enfant, est puni par elle de ses sacrilèges ; le ciel se venge en le faisant souffrir dans la chair de sa chair, en lui envoyant un de ses anges, marqué du signe rédempteur, créature maladive et céleste qui est sans cesse à son côté pour lui parler de Dieu. Mais Sombreval ne croit plus à l’âme, il veut seulement disputer le corps de sa fille à la mort. Une lutte acharnée s’établit entre sa science et la maladie. Il emporte Calixte, comme un avare, dans un coin perdu de la France, pour la soigner plus à l’aise, et il va choisir, on ne sait pourquoi, un château de la Basse-Normandie, le Quesnay, situé près du village où son père est mort, où le souvenir du prêtre marié est maudit.