Page:Emile Zola, Mes haines - Mon salon - Edouard Manet, Ed. Charpentier, 1893.djvu/65

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nelle pour en faire une œuvre très remarquable.

Un prêtre marié est écrit dans un jargon insupportable qui agace et qui exaspère ; le bas des pages est criblé de notes pour expliquer les mots patois qui encombrent le texte ; d’ailleurs on devrait y trouver des explications sur les phrases elles-mêmes. Que signifie, je vous prie «… Elle souffla ce dernier mot comme si elle eût craint de casser le chalumeau de l’Ironie, en soufflant trop fort… » Et encore : «… Frappée aux racines de son être par la pile de Volta du front de son père… » Et encore : «… Mais un jour, la bonde enfoncée par la prudence par dessus tous leurs étonnements, partit avec celle d’un tonneau mis en perce dans un des cabarets du bourg… » Je prends au hasard. Est-ce là parler français, et un peu de simplicité serait-il si regrettable, lorsqu’il s’agit de raconter des faits simples ? M. Barbey d’Aurevilly se moque de nous et de lui-même. Il maltraite plus que le goût, il maltraite son propre talent et tombe dans le radotage par parti pris d’originalité.

Je ne sais si on l’a compris, je me sens, au point de vue artistique, une sorte de sympathie pour l’œuvre que je viens de juger sévèrement et qui m’attire à elle par son audace. Cette sympathie inavouée m’irrite encore davantage contre elle. Je suis désespéré de voir tant de hardiesse si mal employée. Je condamne Un prêtre marié, et pour être ce qu’il est, et pour n’être pas ce qu’il pourrait être.