Page:Emile Zola, Mes haines - Mon salon - Edouard Manet, Ed. Charpentier, 1893.djvu/86

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est admise, on lui facilite la honte par la familiarité qu’on lui témoigne. Dès lors, elle a jugé Jupillon, elle sent qu’elle ne peut se l’attacher que par des présents, et comme elle n’a pas la force de la séparation, elle consacre toutes ses épargnes, tous ses bijoux, à lui acheter un fonds de ganterie. Sans doute il y a dans ce don l’emportement et les calculs de la passion, mais il y a aussi le plaisir de donner, le besoin de rendre heureux.

Un instant on peut croire Germinie sauvée. Elle a un enfant. La mère va sanctifier l’amante. Puisqu’il faut un amour à ce pauvre cœur en peine, il aura l’amour d’un fils, il vivra en paix dans cette tendresse. L’enfant meurt, Germinie est perdue.

Ses affections tournent à la haine, sa sensibilité s’irrite, ses jalousies deviennent puériles et terribles. Repoussée par son amant, elle cherche dans l’ivresse l’oubli de ses chagrins et de ses ardeurs. Elle s’avilit, elle se prépare à la vie de débauches qu’elle va mener tout à l’heure. On tue le cœur, la chair se dresse et triomphe.

Mais Germinie n’a pas épuisé tous ses dévouements. Elle a donné ses derniers quarante francs à Jupillon, lorsqu’elle était sur le point d’accoucher, se condamnant ainsi à se rendre à la Bourbe. Elle accomplit maintenant un dernier sacrifice. Les Jupillon, qui l’ont chassée de chez eux, l’attirent de nouveau, lorsque le fils est tombé au sort. Ils la connaissent. Elle emprunte à droite et à gauche, sou à sou, les deux mille trois cents francs nécessaires pour ra-