Page:Emile Zola, Mes haines - Mon salon - Edouard Manet, Ed. Charpentier, 1893.djvu/92

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une domestique, une vieille fille de quarante ans, cela ne se peut souffrir. Puis les amours des héros de M. Flaubert sont encore des amours élégantes et raffinées, tandis que celles des personnages de MM. de Goncourt se traînent dans le ruisseau. En un mot, il y a là deux mondes différents : un monde bourgeois, obéissant à certaines convenances, mettant une certaine mesure dans l’emportement de ses passions, et un monde ouvrier, moins cultivé, plus cynique, agissant et parlant. Selon nos temps hypocrites, on peut peindre l’un, on ne saurait s’occuper de l’autre. Demandez pourquoi, en faisant observer qu’au fond les vices sont parfaitement les mêmes. On ne saura que répondre. Il nous plaît d’être chatouillés agréablement et même ceux d’entre nous qui prétendent aimer la vérité, n’aiment qu’une certaine vérité, celle qui ne trouble pas le sommeil et ne contrarie pas la digestion.

Un reproche fondé, qui peut être fait à Germinie Lacerteux est celui d’être un roman médical, un cas curieux d’hystérie. Mais je ne pense pas que les auteurs désavouent un instant la grande place qu’ils ont accordée à l’observation physiologique. Certainement leur héroïne est malade, malade de cœur et malade de corps ; ils ont tout à la fois étudié la maladie de son corps et celle de son cœur. Où est le mal, je vous prie ? Un roman n’est-il pas la peinture de la vie, et ce pauvre corps est-il si damnable pour qu’on ne s’occupe pas de lui ? Il joue un tel rôle dans les affaires de ce monde, qu’on peut bien lui donner