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AU BONHEUR DES DAMES.

Cependant, Robineau l’appelait :

— À qui la ligne, messieurs ? À monsieur Hutin ?… Où est monsieur Hutin ?

Et, comme celui-ci ne répondait décidément pas, ce fut le vendeur inscrit à la suite qui reçut la dame couperosée. En effet, elle voulait simplement des échantillons, avec les prix ; et elle retint le vendeur plus de dix minutes, elle l’accabla de questions. Seulement, le second avait vu Hutin se relever, derrière le comptoir. Aussi, lorsqu’une nouvelle cliente se présenta, intervint-il d’un air sévère, en arrêtant le jeune homme qui se précipitait.

— Votre tour est passé… Je vous ai appelé, et comme vous étiez là derrière…

— Mais, monsieur, je n’ai pas entendu.

— Assez !… Inscrivez-vous à la queue… Allons, monsieur Favier, c’est à vous.

D’un regard, Favier, très amusé au fond de l’aventure, s’excusa auprès de son ami. Hutin, les lèvres pâles, avait détourné la tête. Ce qui l’enrageait, c’était qu’il connaissait bien la cliente, une adorable blonde qui venait souvent au rayon et que les vendeurs appelaient entre eux : « la jolie dame », ne sachant rien d’elle, pas même son nom. Elle achetait beaucoup, faisait porter dans sa voiture, puis disparaissait. Grande, élégante, mise avec un charme exquis, elle paraissait fort riche et du meilleur monde.

— Eh bien ! et votre cocotte ? demanda Hutin à Favier, lorsque celui-ci revint de la caisse, où il avait accompagné la dame.

— Oh ! une cocotte, répondit celui-ci. Non, elle a l’air trop comme il faut… Ça doit être la femme d’un boursier ou d’un médecin, enfin je ne sais pas, quelque chose dans ce genre.

— Laissez donc ! c’est une cocotte… Avec leurs airs