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AU BONHEUR DES DAMES.

sable déballage des marchandises. Le coup de génie de Mouret la tenait tout entière. Au passage, chaque rayon l’arrêtait. Elle fit une première halte devant les trousseaux, tentée par des chemises que Pauline lui vendit, et Marguerite se trouva débarrassée de la chaise, ce fut Pauline qui dut la prendre. Madame Desforges aurait pu continuer sa marche, pour libérer Denise plus vite ; mais elle semblait heureuse de la sentir derrière elle, immobile et patiente, tandis qu’elle s’attardait également, à conseiller son amie. Aux layettes, ces dames s’extasièrent, sans rien acheter. Puis, les faiblesses de madame Marty recommencèrent : elle succomba successivement devant un corset de satin noir, des manchettes de fourrure vendues au rabais, à cause de la saison, des dentelles russes dont on garnissait alors le linge de table. Tout cela s’empilait sur la chaise, les paquets montaient, faisaient craquer le bois ; et les vendeurs qui se succédaient, s’attelaient avec plus de peine, à mesure que la charge devenait plus lourde.

— Par ici, madame, disait Denise sans une plainte, après chaque halte.

— Mais c’est stupide ! criait madame Desforges. Nous n’arriverons jamais. Pourquoi n’avoir pas mis les robes et costumes près des confections ?… En voilà un gâchis !

Madame Marty, dont les yeux se dilataient, grisée par ce défilé de choses riches qui dansaient devant elle, répétait à demi voix :

— Mon Dieu ! que va dire mon mari ?… Vous avez raison, il n’y a pas d’ordre, dans ce magasin. On se perd, on fait des bêtises.

Sur le grand palier central, la chaise eut peine à passer. Mouret, justement, venait d’encombrer le palier d’un déballage d’articles de Paris, des coupes montées sur du zinc doré, des nécessaires et des caves à liqueur de camelotte, trouvant qu’on y circulait trop librement,