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LES ROUGON-MACQUART.

— Mademoiselle, dit-il enfin, en tâchant de garder une sévérité froide, il y a des choses que nous ne pouvons tolérer… La bonne conduite est ici de rigueur…

Il s’arrêtait, cherchait les mots, pour ne pas céder à la colère qui lui montait des entrailles. Eh quoi ! c’était ce garçon qu’elle aimait, ce misérable vendeur, la risée de son comptoir ! c’était le plus humble et le plus gauche de tous qu’elle lui préférait, à lui, le maître ! car il les avait bien vus, elle abandonnant sa main, lui couvrant cette main de baisers.

— J’ai été très bon pour vous, mademoiselle, continua-t-il, en faisant un nouvel effort. Je ne m’attendais guère à être récompensé de cette façon.

Denise, dès la porte, avait eu les yeux attirés par le portrait de madame Hédouin ; et, malgré son grand trouble, elle en demeurait préoccupée. Chaque fois qu’elle entrait à la direction, son regard se croisait avec celui de cette dame peinte. Elle en avait un peu peur, elle la sentait pourtant très bonne. Cette fois, elle trouvait là comme une protection.

— En effet, monsieur, répondit-elle doucement, j’ai eu tort de m’arrêter à causer, et je vous demande pardon de cette faute… Ce jeune homme est de mon pays…

— Je le chasse ! cria Mouret, qui mit toute sa souffrance dans ce cri furieux.

Et, bouleversé, sortant de son rôle de directeur sermonnant une vendeuse coupable d’une infraction au règlement, il se répandit en paroles violentes. N’avait-elle pas de honte ? une jeune fille comme elle s’abandonner à un être pareil ! et il en vint à des accusations atroces, il lui reprocha Hutin, d’autres encore, dans un tel flot de paroles, qu’elle ne pouvait même se défendre. Mais il allait faire maison nette, il les jetterait dehors à coups de pied. L’explication sévère qu’il s’était promis d’avoir, en