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AU BONHEUR DES DAMES.

au fond d’un petit logement, où l’on ne mangerait que du pain ?

— Ma chère enfant, reprit-elle avec un sourire qui s’attristait, nous n’avons rien à vous cacher… Ça ne va pas bien, mon pauvre chéri n’en dort plus. Aujourd’hui encore, ce Gaujean l’a tourmenté, à propos de billets en retard… Je me sentais mourir d’inquiétude, à être là toute seule…

Et elle retournait sur la porte, lorsque Denise l’arrêta. Au loin, celle-ci venait d’entendre une rumeur de foule. Elle devina le brancard qu’on apportait, le flot de curieux qui n’avaient pas lâché l’accident. Alors, la gorge sèche, ne trouvant pas les mots consolateurs qu’elle aurait voulu, elle dut parler.

— Ne vous inquiétez pas, il n’y a pas de danger immédiat… Oui, j’ai vu monsieur Robineau, il lui est arrivé un malheur… On l’apporte, ne vous inquiétez pas, je vous en prie.

La jeune femme l’écoutait, toute blanche, sans comprendre nettement encore. La rue s’était emplie de monde, les fiacres arrêtés juraient, des hommes avaient posé le brancard devant la porte du magasin, pour ouvrir les deux battants vitrés.

— C’est un accident, continuait Denise, résolue à cacher la tentative de suicide. Il était sur le trottoir, et il a glissé sous les roues d’un omnibus… Oh ! les pieds seulement. On cherche un médecin. Ne vous inquiétez pas.

Un grand frisson secouait madame Robineau. Elle eut deux ou trois cris inarticulés ; puis, elle ne parla plus, elle s’abattit près du brancard, dont elle écarta les toiles de ses mains tremblantes. Les hommes qui venaient de le porter, attendaient devant la maison, pour le remporter, lorsqu’on aurait enfin trouvé un médecin. On n’osait plus toucher à Robineau, qui avait repris connaissance, et dont les souffrances devenaient atroces, au moindre mouvement. Quand il vit sa femme, deux grosses larmes