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LES ROUGON-MACQUART.

Mais, au moment où ces dames allaient s’éloigner, elles entendirent deux vendeurs qui plaisantaient sur les violettes. Un grand maigre s’étonnait : ça se faisait donc, ce mariage du patron avec la première des costumes ? tandis qu’un petit gras répondait qu’on n’avait jamais su, mais que les fleurs tout de même étaient achetées.

— Comment ! dit madame de Boves, monsieur Mouret se marie ?

— C’est la première nouvelle, répondit Henriette qui jouait l’indifférence. Du reste, il faut bien finir par là.

La comtesse avait lancé un vif regard à sa nouvelle amie. Maintenant, toutes deux comprenaient pourquoi madame Desforges était venue au Bonheur des Dames, malgré les batailles de la rupture. Sans doute, elle cédait au besoin invincible de voir et de souffrir.

— Je reste avec vous, lui dit madame Guibal, dont la curiosité s’éveillait. Nous retrouverons madame de Boves au salon de lecture.

— Eh bien ! c’est cela, déclara celle-ci. Moi, j’ai affaire au premier… Viens-tu, Blanche ?

Et elle monta, suivie de sa fille, pendant que l’inspecteur Jouve, toujours à sa suite, allait prendre un escalier voisin, pour ne pas attirer son attention. Les deux autres se perdirent dans la foule compacte du rez-de-chaussée.

Tous les comptoirs, au milieu des bousculades de la vente, ne causaient une fois encore que des amours du patron. L’aventure, qui, depuis des mois, occupait les commis enchantés de la longue résistance de Denise, venait tout d’un coup d’aboutir à une crise : on avait appris la veille que la jeune fille quittait le Bonheur, malgré les supplications de Mouret, en prétextant un grand besoin de repos. Et les avis étaient ouverts : partirait-elle ? ne partirait-elle pas ? De rayon à rayon, on pariait cent sous, pour le dimanche suivant. Les malins mettaient un déjeuner sur la carte du mariage final ; pourtant, les