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AU BONHEUR DES DAMES.

Ils sortirent et commencèrent leur inspection de l’après-midi, au milieu des rayons encombrés de foule. Bourdoncle coulait vers lui des regards obliques, inquiet de cette énergie dernière, l’étudiant aux lèvres, pour y surprendre les moindres plis de douleur.

La vente, en effet, jetait son feu, dans un train d’enfer, dont la maison tremblait, d’une secousse de grand navire filant à pleine machine. Au comptoir de Denise, s’étouffait une cohue de mères, traînant des bandes de fillettes et de petits garçons, noyées sous les vêtements qu’on leur essayait. Le rayon avait sorti tous ses articles blancs, et c’était là, comme partout, une débauche de blanc, de quoi vêtir de blanc une troupe d’Amours frileux : des paletots en drap blanc, des robes en piqué, en nansouk, en cachemire blanc, des matelots et jusqu’à des zouaves blancs. Au milieu, pour le décor et bien que la saison ne fût pas venue, se trouvait un étalage de costumes de première communion, la robe et le voile de mousseline blanche, les souliers de satin blanc, une floraison jaillissante, légère, qui plantait là comme un bouquet énorme d’innocence et de ravissement candide. Madame Bourdelais, devant ses trois enfants, assis par rang de taille, Madeleine, Edmond, Lucien, se fâchait contre ce dernier, le plus petit, parce qu’il se débattait, tandis que Denise s’efforçait de lui passer une jaquette de mousseline de laine.

— Tiens-toi donc tranquille !… Vous ne pensez pas, mademoiselle, qu’elle soit un peu étroite ?

Et, avec son regard clair de femme qu’on ne trompe pas, elle étudiait l’étoffe, jugeait la façon, retournait les coutures.

— Non, elle va bien, reprit-elle. C’est toute une affaire, quand il faut habiller ce petit monde… Maintenant, il me faudrait un manteau pour cette grande fille.

Denise avait dû se mettre à la vente, dans la prise d’as-