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LES ROUGON-MACQUART.

Cette Noce au village restait jusque-là son chef-d’œuvre : une noce débandée à travers les blés, des paysans étudiés de près, et très vrais, qui avaient une allure épique de héros d’Homère. De ce tableau datait une évolution, car il avait apporté une formule nouvelle. À la suite de Delacroix, et parallèlement à Courbet, c’était un romantisme tempéré de logique, avec plus d’exactitude dans l’observation, plus de perfection dans la facture, sans que la nature y fût encore abordée de front, sous les crudités du plein air. Pourtant, toute la jeune école se réclamait de cet art.

— Il n’y a rien de beau, dit Claude, comme les deux premiers groupes, le joueur de violon, puis la mariée avec le vieux paysan.

— Et la grande paysanne, donc, s’écria Mahoudeau, celle qui se retourne et qui appelle d’un geste !… J’avais envie de la prendre pour une statue.

— Et le coup de vent dans les blés, ajouta Gagnière, et les deux tâches si jolies de la fille et du garçon qui se poussent, très loin !

Bongrand écoutait d’un air gêné, avec un sourire de souffrance. Comme Fagerolles lui demandait ce qu’il faisait en ce moment, il répondit avec un haussement d’épaules :

— Mon Dieu ! rien, des petites choses… Je n’exposerai pas, je voudrais trouver un coup… Ah ! que vous êtes heureux, vous autres, d’être encore au pied de la montagne ! On a de si bonnes jambes, on est si brave, quand il s’agit de monter là-haut ! Et puis, lorsqu’on y est, va te faire fiche ! les embêtements commencent. Une vraie torture, et des coups de poing, et des efforts sans cesse renaissants, dans la crainte d’en dégringoler trop vite !… Ma parole ! on