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L’ŒUVRE.

Et elle était à la porte déjà, lorsqu’il put lui prendre la main. Il osa lui demander :

— Quand vous reverrai-je ?  

Sa petite main mollissait dans la sienne. Un moment, elle parut hésitante.

— Mais je ne sais pas. Je suis si occupée !  

Puis, elle se dégagea, elle s’en alla, en disant très vite :

— Quand je le pourrai, un de ces jours… Adieu !  

Claude était resté planté sur le seuil. Quoi ? qu’avait-elle eu encore, cette subite réserve, cette irritation sourde ? Il referma la porte, il marcha, les bras ballants, sans comprendre, cherchant en vain la phrase, le geste qui avait pu la blesser. La colère le prenait à son tour, un juron jeté dans le vide, un terrible haussement d’épaules, comme pour se débarrasser de cette préoccupation imbécile. Est-ce qu’on savait jamais, avec les femmes ! Mais la vue du bouquet de roses, débordant du pot à eau, l’apaisa, tant il sentait bon. Toute la pièce en était embaumée ; et, silencieux, il se remit au travail, dans ce parfum.

Deux nouveaux mois se passèrent. Claude, les premiers jours, au moindre bruit, le matin, lorsque madame Joseph lui apportait son déjeuner ou des lettres, tournait vivement la tête, avait un geste involontaire de désappointement. Il ne sortait plus avant quatre heures, et la concierge lui ayant dit, un soir, comme il rentrait, qu’une jeune fille était venue le demander vers cinq heures, il ne s’était calmé qu’en reconnaissant un modèle, Zoé Piédefer, dans la visiteuse. Puis, les jours suivant les jours, il avait eu une crise furieuse de travail, inabordable pour tous, d’une violence de théories telle, que ses