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LES ROUGON-MACQUART.

moire frottée et luisante, la table de sapin désencombrée de la vaisselle, nette de taches de couleurs ; et, au-dessus des chaises posées en belle symétrie, des chevalets boiteux appuyés aux murs, le coucou énorme, épanouissant ses fleurs de carmin, avait l’air de battre d’un tic-tac plus sonore. C’était magnifique, on n’aurait pas reconnu la pièce. Lui, stupéfait, la regardait aller, venir, tourner en chantant. Était-ce donc cette paresseuse qui avait des migraines intolérables, au moindre travail ? Mais elle riait : le travail de tête, oui ; tandis que le travail des pieds et des mains, au contraire, lui faisait du bien, la redressait comme un jeune arbre. Elle avouait, ainsi qu’une dépravation, son goût pour les soins bas du ménage, ce goût qui désespérait sa mère, dont l’idéal d’éducation était l’art d’agrément, l’institutrice aux mains fines, ne touchant à rien. Aussi que de remontrances, quand on la surprenait, toute petite, balayant, torchonnant, jouant à la cuisinière avec délices ! Encore aujourd’hui, si elle avait pu se battre contre la poussière, chez madame Vanzade, elle se serait moins ennuyée. Seulement, qu’aurait-on dit ? Du coup, elle n’aurait plus été une dame. Et elle venait se satisfaire quai de Bourbon, essoufflée de tant d’exercice, avec des yeux de pécheresse qui mord au fruit défendu.

Claude, à cette heure, sentait autour de lui les bons soins d’une femme. Pour la faire asseoir et causer tranquillement, il lui demandait, parfois, de recoudre un poignet arraché, un pan de veston déchiré. D’elle-même, elle avait bien offert de visiter son linge. Mais ce n’était plus sa belle flamme de ménagère qui s’agite. D’abord, elle ne savait pas, elle tenait son aiguille en fille élevée dans le mépris de la