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LES ROUGON-MACQUART.

yeux sous les paupières, un sourire qui devait illuminer toute la face. Seulement, le bas gâtait ce rayonnement de tendresse, la mâchoire avançait, les lèvres trop fortes saignaient, montrant des dents solides et blanches. C’était comme un coup de passion, la puberté grondante et qui s’ignorait, dans ces traits noyés, d’une délicatesse enfantine.

Brusquement, un frisson courut, pareil à une moire sur le satin de sa peau. Peut-être avait-elle senti enfin ce regard d’homme qui la fouillait. Elle ouvrit les paupières toutes grandes, elle poussa un cri.

— Ah ! mon Dieu !

Et une stupeur la paralysa, ce lieu inconnu, ce garçon en manches de chemise, accroupi devant elle, la mangeant des yeux. Puis, dans un élan éperdu, elle ramena la couverture, elle l’écrasa de ses deux bras sur sa gorge, le sang fouetté d’une telle angoisse pudique, que la rougeur ardente de ses joues coula jusqu’à la pointe de ses seins, en un flot rose.

— Eh bien, quoi donc ? cria Claude, mécontent, le crayon en l’air, que vous prend-il ?

Elle ne parlait plus, elle ne bougeait plus, le drap serré au cou, pelotonnée, repliée sur elle-même, bossuant à peine le lit.

— Je ne vous mangerai pas peut-être… Voyons, soyez gentille, remettez-vous comme vous étiez.

Un nouveau flot de sang lui rougit les oreilles. Elle finit par bégayer.

— Oh ! non, oh ! non, monsieur.

Mais lui se fâchait peu à peu, dans une de ces brusques poussées de colère dont il était coutumier. Cette obstination lui semblait stupide.

— Dites, qu’est-ce que ça peut vous faire ? En voilà