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L’ŒUVRE.

— Fichtre ! dit Sandoz en jouant des coudes, ça ne va pas être commode de manœuvrer là dedans et de trouver ton tableau. 

Il se hâtait, dans une fièvre de fraternité. Ce jour-là, il ne vivait que pour l’œuvre et la gloire de son vieux camarade.

— Laisse donc ! s’écria Claude, nous arriverons bien. Il ne s’envolera pas, mon tableau !  

Et lui, au contraire, affecta de ne pas se presser, malgré l’irrésistible envie qu’il avait de courir. Il levait la tête, regardait. Bientôt, dans la voix haute de la foule qui l’avait étourdi, il distingua des rires légers, contenus encore, que couvraient le roulement des pieds et le bruit des conversations. Devant certaines toiles, des visiteurs plaisantaient. Cela l’inquiéta, car il était d’une crédulité et d’une sensibilité de femme, au milieu de ses rudesses révolutionnaires, s’attendant toujours au martyre, et toujours saignant, toujours stupéfait d’être repoussé et raillé. Il murmura :

— Ils sont gais, ici !

— Dame ! c’est qu’il y a de quoi, fit remarquer Sandoz. Regarde donc ces rosses extravagantes. 

Mais, à ce moment, comme ils s’attardaient dans la première salle, Fagerolles, sans les voir, tomba sur eux. Il eut un sursaut, contrarié sans doute de la rencontre. Du reste, il se remit tout de suite, très aimable.

— Tiens ! je songeais à vous… Je suis là depuis une heure.

— Où ont-ils donc fourré le tableau de Claude ? demanda Sandoz.

Fagerolles, qui venait de rester vingt minutes planté devant ce tableau, l’étudiant et étudiant l’im-