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LES ROUGON-MACQUART.

donc, ris donc, grande bête de Paris, jusqu’à ce que tu tombes à nos genoux !  

Et, s’interrompant, il montrait d’un geste prophétique l’avenue triomphale, où roulaient dans le soleil le luxe et la joie de la ville. Son geste s’élargissait, descendait jusqu’à la place de la Concorde, qu’on apercevait en écharpe, sous les arbres, avec une de ses fontaines dont les nappes ruisselaient, un bout fuyant de ses balustrades, et deux de ses statues, Rouen aux mamelles géantes, Lille qui avance l’énormité de son pied nu.

— Le plein air, ça les amuse ! reprit-il. Soit ! puisqu’ils le veulent, le plein air, l’école du plein air !… Hein ? c’était entre nous, ça n’existait pas, hier, en dehors de quelques peintres. Et voilà qu’ils lancent le mot, ce sont eux qui fondent l’école… Oh ! je veux bien, moi. Va pour l’école du plein air !  

Jory s’allongeait des claques sur les cuisses.

— Quand je te disais ! J’étais sûr, avec mes articles, de les forcer à mordre, ces crétins ! Ce que nous allons les embêter, maintenant !  

Mahoudeau chantait victoire, lui aussi, en ramenant continuellement sa Vendangeuse, dont il expliquait les hardiesses à Chaîne silencieux, qui seul écoutait ; tandis que Gagnière, avec la raideur des timides lâchés au travers de la théorie pure, parlait de guillotiner l’Institut ; et Sandoz, par sympathie enflammée de travailleur, et Dubuche, cédant à la contagion de ses amitiés révolutionnaires, s’exaspéraient, tapaient sur la table, avalaient Paris, dans chaque gorgée de bière. Très calme, Fagerolles gardait son sourire. Il les avait suivis par amusement, par le singulier plaisir qu’il trouvait à pousser les camarades dans des farces qui tourneraient mal. Pendant qu’il