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L’ŒUVRE.

— Vous savez, ce sera deux cent cinquante francs… Envoyez-moi du monde. 

À Paris, Claude accompagna Christine jusqu’à l’hôtel de madame Vanzade. Ils étaient devenus très tristes, ils échangèrent une longue poignée de main, désespérée et muette, n’osant s’embrasser.

Une vie de tourment commença. En quinze jours, elle ne put venir que trois fois ; et elle accourait, essoufflée, n’ayant que quelques minutes à elle, car justement la vieille dame se montrait exigeante. Lui, la questionnait, inquiet de la voir pâlie, énervée, les yeux brillants de fièvre. Jamais elle n’avait tant souffert de cette maison pieuse, de ce caveau, sans air et sans jour, où elle se mourait d’ennui. Ses étourdissements l’avaient reprise, le manque d’exercice faisait battre le sang à ses tempes. Elle lui avoua qu’elle s’était évanouie, un soir, dans sa chambre, comme tout d’un coup étranglée par une main de plomb. Et elle n’avait pas de paroles mauvaises contre sa maîtresse, elle s’attendrissait au contraire : une pauvre créature, si vieille, si infirme, si bonne, qui l’appelait sa fille ! Cela lui coûtait comme une vilaine action, chaque fois qu’elle l’abandonnait, pour courir chez son amant.

Deux semaines encore se passèrent. Les mensonges dont elle devait payer chaque heure de liberté, lui devinrent intolérables. Maintenant, c’était frémissante de honte qu’elle rentrait dans cette maison rigide, où son amour lui semblait une tache. Elle s’était donnée, elle l’aurait crié tout haut, et son honnêteté se révoltait à cacher cela comme une faute, à mentir bassement, ainsi qu’une servante qui craint un renvoi.

Enfin, un soir, dans l’atelier, au moment où elle