Page:Emile Zola - L’Œuvre.djvu/2

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
2
LES ROUGON-MACQUART.

on vit le grand air triste des antiques façades, avec des détails très nets, un balcon de pierre, une rampe de terrasse, la guirlande sculptée d’un fronton. C’était là que le peintre avait son atelier, dans les combles de l’ancien hôtel du Martoy, à l’angle de la rue de la Femme-sans-Tête. Le quai entrevu était aussitôt retombé aux ténèbres, et un formidable coup de tonnerre avait ébranlé le quartier endormi.

Arrivé devant sa porte, une vieille porte ronde et basse, bardée de fer, Claude, aveuglé par la pluie, tâtonna pour tirer le bouton de la sonnette ; et sa surprise fut extrême, il eut un tressaillement en rencontrant dans l’encoignure, collé contre le bois, un corps vivant. Puis, à la brusque lueur d’un second éclair, il aperçut une grande jeune fille, vêtue de noir, et déjà trempée, qui grelottait de peur. Lorsque le coup de tonnerre les eut secoués tous les deux, il s’écria :

— Ah bien ! si je m’attendais… Qui êtes-vous ? que voulez-vous ?

Il ne la voyait plus, il l’entendait seulement sangloter et bégayer :

— Oh ! monsieur, ne me faites pas du mal… C’est le cocher que j’ai pris à la gare, et qui m’a abandonnée près de cette porte, en me brutalisant… Oui, un train a déraillé, du côté de Nevers. Nous avons eu quatre heures de retard, je n’ai plus trouvé la personne qui devait m’attendre… Mon Dieu ! c’est la première fois que je viens à Paris, monsieur, je ne sais pas où je suis…

Un éclair éblouissant lui coupa la parole ; et ses yeux dilatés parcoururent avec effarement ce coin de ville inconnue, l’apparition violâtre d’une cité fantastique. La pluie avait cessé. De l’autre côté de