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LES ROUGON-MACQUART.

Mais il s’interrompit de nouveau, pour crier avec un geste fou :

— Je perds la tête, décidément ! Vous ne vous êtes jamais parlé, et je vous laisse là.. ! Ma chérie, tu vois ce monsieur : c’est mon vieux camarade Pierre Sandoz, que j’aime comme un frère… Et toi, mon brave, je te présente ma femme. Et vous allez vous embrasser tous les deux !  

Christine se mit à rire franchement, et elle tendit la joue, de grand cœur. Tout de suite, Sandoz lui avait plu, avec sa bonhomie, sa solide amitié, l’air de sympathie paternelle dont il la regardait. Une émotion mouilla ses yeux, lorsqu’il lui retint les mains entre les siennes, en disant :

— Vous êtes bien gentille d’aimer Claude, et il faut vous aimer toujours, car c’est encore ce qu’il y a de meilleur. 

Puis, se penchant pour baiser le petit, qu’elle avait au bras :

— Alors, en voilà déjà un ?  

Le peintre eut un geste vague d’excuse.

— Que veux-tu ? ça pousse sans qu’on y songe !  

Claude garda Sandoz dans la salle, pendant que Christine révolutionnait la maison pour le déjeuner. En deux mots, il lui conta leur histoire, qui elle était, comment il l’avait connue, quelles circonstances les avaient fait se mettre en ménage ; et il parut s’étonner, lorsque son ami voulut savoir pourquoi ils ne se mariaient pas. Mon Dieu ! pourquoi ? parce qu’ils n’en avaient même jamais causé, parce qu’elle ne semblait pas y tenir, et qu’ils n’en seraient certainement ni plus ni moins heureux. Enfin, c’était une chose sans conséquence.

— Bon ! dit l’autre. Moi, ça ne me gêne