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L’ŒUVRE.

avec sa musique, lui qui aurait pu avoir un talent si consciencieux de paysagiste ? Maintenant, disait-on, il prenait chez une demoiselle des leçons de piano, à son âge ! Hein ? qu’en pensait-elle ? une vraie toquade ! Et Jory qui cherchait à se remettre avec Irma Bécot, depuis que celle-ci avait un petit hôtel, rue de Moscou ! Elle les connaissait, ces deux-là, deux bonnes rosses qui faisaient la paire, n’est-ce pas ? Mais le malin des malins, c’était Fagerolles, auquel il flanquerait ses quatre vérités, quand il le verrait. Comment ! ce lâcheur venait de concourir pour le prix de Rome, qu’il avait raté, du reste ! Un gaillard qui blaguait l’École, qui parlait de tout démolir ! Ah ! décidément, la démangeaison du succès, le besoin de passer sur le ventre des camarades et d’être salué par des crétins, poussait à faire de bien grandes saletés. Voyons, elle ne le défendait pas, peut-être ? elle n’était pas assez bourgeoise pour le défendre ? Et, quand elle avait dit comme lui, il retombait toujours avec de grands rires nerveux sur la même histoire, qu’il trouvait d’un comique extraordinaire : l’histoire de Mahoudeau et de Chaîne, qui avaient tué le petit Jabouille, le mari de Mathilde, la terrible herboriste : oui ! tué, un soir que ce cocu phtisique avait eu une syncope, et que tous deux, appelés par la femme, s’étaient mis à le frictionner si dur, qu’il leur était resté dans les mains !

Alors, si Christine ne s’égayait pas, Claude se levait et disait d’une voix bourrue :

— Oh ! toi, rien ne te fait rire… Allons nous coucher, ça vaudra mieux. 

Il l’adorait encore, il la possédait avec l’emportement désespéré d’un amant qui demande à l’amour l’oubli de tout, la joie unique. Mais il ne pouvait