Page:Emile Zola - L’Œuvre.djvu/221

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
221
L’ŒUVRE.

fourra les mains au fond de ses poches, saisi d’un frisson devant l’humidité ruisselante des murailles nues, la boue des tas d’argile et les continuelles flaques d’eau qui trempaient le sol. Un vent de misère avait soufflé là, vidant les planches des moulages antiques, cassant les selles et les baquets, raccommodés avec des cordes. C’était un coin de gâchis et de désordre, une cave de maçon tombé en déconfiture. Et, sur la vitre de la porte, barbouillée de craie, il y avait, comme par dérision, un grand soleil rayonnant, dessiné à coups de pouce, agrémenté d’un visage au centre, dont la bouche en demi-cercle éclatait de rire.

— Attends, reprit Mahoudeau, on allume du feu. Ces sacrés ateliers, avec l’eau des linges, ça se refroidit tout de suite.

Alors, en se retournant, Claude aperçut Chaîne agenouillé près du poêle, achevant de dépailler un vieux tabouret pour enflammer le charbon. Il lui dit bonjour ; mais il n’en tira qu’un sourd grognement, sans le décider à lever la tête.

— Et que fais-tu, en ce moment, mon vieux ? demanda-t-il au sculpteur.

— Oh ! pas grand’chose de propre, va ! Une fichue année, plus mauvaise encore que la dernière, qui n’avait rien valu !… Tu sais que les bons dieux traversent une crise. Oui, il y a une baisse sur la sainteté ; et, dame ! j’ai dû me serrer le ventre… Tiens ! en attendant, j’en suis réduit à ça.

Il débarrassait un buste de ses linges, il montra une figure longue, allongée encore par des favoris, monstrueuse de prétention et d’infinie bêtise.

— C’est un avocat d’à côté… Hein ? est-il assez répugnant, le coco ? Et ce qu’il m’embête à vouloir que