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LES ROUGON-MACQUART.

ment de parfumeuse louche, installée dans le recueillement d’une chapelle.

— Mais, dit Claude en riant, tu la déclarais affreuse, cette femme.

Jory eut un geste d’insouciance.

— Oh ! pour ce qu’on en fait !… Ainsi, moi, ce matin, je reviens de la gare de l’Ouest, où j’ai accompagné quelqu’un. Et c’est en passant dans la rue que l’idée m’a pris de profiter de l’occasion… Tu comprends, on ne se dérange pas exprès.

Il donnait ces explications d’un air d’embarras. Puis, soudain, la franchise de son vice lui arracha ce cri de vérité, à lui qui mentait toujours :

— Et, zut ! d’ailleurs, je la trouve extraordinaire, si tu veux le savoir… Pas belle, c’est possible, mais ensorcelante ! Enfin, une de ces femmes qu’on affecte de ne pas ramasser avec des pincettes, et pour qui on fait des bêtises à en crever.

Alors, seulement, il s’étonna de voir Claude à Paris, et quand il fut au courant, qu’il le sut réinstallé, il reprit, tout d’un coup :

— Écoute donc ! je t’enlève, tu vas venir déjeuner avec moi chez Irma.

Violemment, le peintre, intimidé, refusa, prétexta qu’il n’avait pas même de redingote.

— Qu’est-ce que ça fiche ? Au contraire, c’est plus drôle, elle sera enchantée… Je crois que tu lui as tapé dans l’œil, elle nous parle toujours de toi… Voyons, ne fais pas la bête, je te dis qu’elle m’attend ce matin et que nous allons être reçus comme des princes.

Il ne lui lâchait plus le bras, tous deux continuèrent à remonter vers la Madeleine, en causant. D’ordinaire, il se taisait sur ses amours, comme les ivrognes se taisent sur le vin. Mais, ce matin-là,