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L’ŒUVRE.

Ainsi, au fond de toute son histoire, il n’y a qu’une chose : ne pas dépenser trois francs à m’acheter ce livre. Chaque fois qu’il a dû m’envoyer un bouquet, une voiture a passé dessus, ou bien il n’y avait plus de fleurs dans Paris. Ah ! en voilà un qu’il faut aimer pour lui !

Jory, sans se fâcher, renversait sa chaise, se balançait en suçant son cigare. Il se contenta de dire avec un ricanement :

— Du moment que tu as renoué avec Fagerolles…

— Je n’ai pas renoué du tout ! cria-t-elle, furieuse. Et puis, est-ce que ça te regarde ?… Je m’en moque, entends-tu ! de ton Fagerolles. Il sait bien, lui, qu’on ne se fâche pas avec moi. Oh ! nous nous connaissons tous les deux, nous avons poussé dans la même fente de pavé… Tiens ! regarde, quand je voudrai, je n’aurai qu’à faire ça, rien qu’un signe du petit doigt, et il sera là, à me lécher les pieds… Il m’a dans le sang, ton Fagerolles !

Elle s’animait, il crut prudent de battre en retraite.

— Mon Fagerolles, murmura-t-il, mon Fagerolles…

— Oui, ton Fagerolles ! Est-ce que tu t’imagines que je ne vous vois pas, lui toujours à te passer la main dans le dos, parce qu’il espère des articles, et toi faisant le bon prince, calculant le bénéfice que tu en tireras, si tu appuies un artiste aimé du public ?

Jory, cette fois, bégaya, très ennuyé devant Claude. Il ne se défendit pas d’ailleurs, il préféra tourner la querelle au plaisant. Hein ? était-elle amusante, quand elle s’allumait ainsi ? l’œil en coin luisant de vice, la bouche tordue pour l’engueulade !

— Seulement, ma chère, tu fais craquer ton Titien.

Elle se mit à rire, désarmée.