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LES ROUGON-MACQUART.

sous la suspension de porcelaine blanche, mais à la condition de condamner le buffet, si bien que la bonne ne pouvait plus y aller chercher une assiette. D’ailleurs, c’était la maîtresse de maison qui servait ; et le maître, lui, se plaçait en face, contre le buffet bloqué, pour y prendre et passer ce dont on avait besoin.

Henriette avait mis Claude à sa droite, Mahoudeau à sa gauche ; tandis que Jory et Gagnière s’étaient assis aux deux côtés de Sandoz.

— Françoise ! appela-t-elle. Donnez-moi donc les rôties, elles sont sur le fourneau.

Et, la bonne lui ayant apporté les rôties, elle les distribuait deux par deux dans les assiettes, puis commençait à verser dessus le bouillon de la bouillabaisse, lorsque la porte s’ouvrit.

— Fagerolles, enfin ! dit-elle. Placez-vous là, près de Claude.

Il s’excusa d’un air de galante politesse, allégua un rendez-vous d’affaires. Très élégant maintenant, pincé dans des vêtements de coupe anglaise, il avait une tenue d’homme de cercle, relevée par la pointe de débraillé artiste qu’il gardait. Tout de suite, en s’asseyant, il secoua la main de son voisin, il affecta une vive joie.

— Ah ! mon vieux Claude ! Il y a si longtemps que je voulais te voir ! Oui, j’ai eu vingt fois l’idée d’aller là-bas ; et puis, tu sais, la vie…

Claude, pris de malaise devant ces protestations, tâchait de répondre avec une cordialité pareille. Mais Henriette, qui continuait de servir, le sauva, en s’impatientant.

— Voyons, Fagerolles, répondez-moi… Est-ce deux rôties que vous désirez ?