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LES ROUGON-MACQUART.

rait cru. Ce qui le frappait surtout, c’était son air de tranquille décision. Elle ne le craignait plus, évidemment. Il semblait qu’au sortir de ce lit défait, où elle se sentait sans défense, elle eut remis son armure, avec ses bottines et sa robe. Elle souriait, le regardait droit dans les yeux. Et il dit ce qu’il hésitait encore à dire :

— Vous allez déjeuner avec moi, n’est-ce pas ?

Mais elle refusa.

— Non, merci… Je vais courir à la gare, où ma malle est sûrement arrivée, et je me ferai conduire ensuite à Passy.

Vainement, il lui répéta qu’elle devait avoir faim, que ce n’était guère raisonnable de sortir ainsi sans manger.

— Alors, je descends vous chercher un fiacre.

— Non, je vous en prie, ne vous donnez pas cette peine.

— Voyons, vous ne pouvez faire un pareil voyage à pied. Permettez-moi, au moins, de vous accompagner jusqu’à la station de voitures, puisque vous ne connaissez point Paris.

— Non, non, je n’ai pas besoin de vous… Si vous voulez être aimable, laissez-moi m’en aller toute seule.

C’était un parti pris. Sans doute, elle se révoltait à l’idée d’être rencontrée avec un homme, même par des inconnus : elle tairait sa nuit, elle mentirait et garderait pour elle le souvenir de l’aventure. Lui, d’un geste colère, affecta de l’envoyer au diable. Bon débarras ! ça l’arrangeait de ne pas descendre. Et il demeurait blessé au fond, il la trouvait ingrate.

— Comme il vous plaira, après tout. Je n’emploierai pas la force.