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L’ŒUVRE.

Ses belles couleurs rouges pâlissaient, il ne poussait plus que chétif, sérieux comme un petit homme, les yeux élargis sur les choses. Il venait d’avoir cinq ans, sa tête avait démesurément grossi, par un phénomène singulier, qui faisait dire à son père : « Le gaillard a la caboche d’un grand homme ! » Mais, au contraire, il semblait que l’intelligence diminuât, à mesure que le crâne augmentait. Très doux, craintif, l’enfant s’absorbait pendant des heures, sans savoir répondre, l’esprit en fuite ; et, s’il sortait de cette immobilité, c’était dans des crises folles de sauts et de cris, comme une jeune bête joueuse que l’instinct emporte. Alors, les « tiens-toi tranquille ! » pleuvaient, car la mère ne pouvait comprendre ces vacarmes subits, bouleversée de voir le père s’irriter à son chevalet, se fâchant elle-même, courant vite rasseoir le petit dans son coin. Calmé tout d’un coup, avec le frisson peureux d’un réveil trop brusque, il se rendormait, les yeux ouverts, si paresseux à vivre, que les jouets, des bouchons, des images, de vieux tubes de couleur, lui tombaient des mains. Déjà, elle avait essayé de lui apprendre ses lettres. Il s’était débattu avec des larmes, et l’on attendait un an ou deux encore pour le mettre à l’école, où les maîtres sauraient bien le faire travailler.

Christine, enfin, commençait à s’effrayer, devant la misère menaçante. À Paris, avec cet enfant qui poussait, la vie était plus chère, et les fins de mois devenaient terribles, malgré ses économies de toutes sortes. Le ménage n’avait d’assurés que les mille francs de rente ; et comment vivre avec cinquante francs par mois, lorsqu’on avait prélevé les quatre cents francs du loyer ? D’abord, ils s’étaient tirés d’embarras, grâce à quelques toiles vendues, Claude