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LES ROUGON-MACQUART.

— Bougre ! tu vas te faire écraser !  

Mais, tremblant de la voir s’achever sur le sol, Mahoudeau restait les mains tendues. Et elle sembla lui tomber au cou, il la reçut dans son étreinte, serra les bras sur cette grande nudité vierge, qui s’animait comme sous le premier éveil de la chair. Il y entra, la gorge amoureuse s’aplatit contre son épaule, les cuisses vinrent battre les siennes, tandis que la tête, détachée, roulait par terre. La secousse fut si rude qu’il se trouva emporté, culbuté jusqu’au mur ; et, sans lâcher ce tronçon de femme, il demeura étourdi, gisant près d’elle.

— Ah ! bougre ! répétait furieusement Claude, qui le croyait mort.

Péniblement, Mahoudeau s’agenouilla, et il éclata en gros sanglots. Dans sa chute, il s’était seulement meurtri le visage. Du sang coulait d’une de ses joues, se mêlant à ses larmes.

— Chienne de misère, va ! Si ce n’est pas à se ficher à l’eau, que de ne pouvoir seulement acheter deux tringles !… Et la voilà, et la voilà… 

Ses sanglots redoublaient, une lamentation d’agonie, une douleur hurlante d’amant devant le cadavre mutilé de ses tendresses. De ses mains égarées, il en touchait les membres, épars autour de lui, la tête, le torse, les bras qui s’étaient rompus ; mais surtout la gorge défoncée, ce sein aplati, comme opéré d’un mal affreux, le suffoquait, le faisait revenir toujours là, sondant la plaie, cherchant la fente par laquelle la vie s’en était allée ; et ses larmes sanglantes ruisselaient, tachaient de rouge les blessures.

— Aide-moi donc, bégaya-t-il. On ne peut pas la laisser comme ça. 

L’émotion avait gagné Claude, dont les yeux se