Page:Emile Zola - L’Œuvre.djvu/31

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.


II


Midi était sonné, Claude travaillait à son tableau lorsqu’une main familière tapa rudement contre la porte. D’un mouvement instinctif, et dont il ne fut pas le maître, le peintre glissa dans un carton la tête de Christine, d’après laquelle il retouchait sa grande figure de femme. Puis, il se décida à ouvrir.

— Pierre ! cria-t-il. Déjà toi ?

Pierre Sandoz, un ami d’enfance, était un garçon de vingt-deux ans, très brun, à la tête ronde et volontaire, au nez carré, aux yeux doux, dans un masque énergique, encadré d’un collier de barbe naissante.

— J’ai déjeuné plus tôt, répondit-il, j’ai voulu te donner une bonne séance… Ah ! diable ! ça marche !

Il s’était planté devant le tableau, et il ajouta tout de suite :

— Tiens ! tu changes le type de la femme.

Un long silence se fit, tous deux regardaient, immobiles. C’était une toile de cinq mètres sur trois, entièrement couverte, mais dont quelques morceaux à peine se dégageaient de l’ébauche. Cette ébauche, jetée d’un coup, avait une violence superbe, une ar-