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LES ROUGON-MACQUART.

matin, s’agitait, criait, pour dominer le vacarme.

— Voyons, messieurs, il nous manque un homme !… Voyons, un homme de bonne volonté par ici !

Et, à ce moment, ayant aperçu Claude, il se précipita, l’amena de force.

— Ah ! toi, tu vas me faire le plaisir de t’asseoir à cette place et de nous aider ! C’est pour la bonne cause, que diable !

Claude, du coup, se trouva président d’un bureau, et il remplit sa fonction avec une gravité de timide, émotionné au fond, ayant l’air de croire que la réception de sa toile allait dépendre de sa conscience à cette besogne. Il appelait tout haut les noms inscrits sur les listes, qu’on lui passait par petits paquets égaux pendant que ses deux scrutateurs les inscrivaient. Et cela dans le plus effroyable des charivaris, dans le bruit cinglant de grêle de ces vingt, trente noms criés ensemble par des voix différentes, au milieu du ronflement continu de la foule. Comme il ne pouvait rien faire sans passion, il s’animait, désespéré quand une liste ne contenait pas le nom de Fagerolles, heureux dès qu’il avait à lancer ce nom une fois de plus. Du reste, il goûtait souvent cette joie, car le camarade s’était rendu populaire, se montrant partout, fréquentant les cafés où se tenaient des groupes influents, risquant même des professions de foi, s’engageant vis-à-vis des jeunes, sans négliger de saluer très bas les membres de l’Institut. Une sympathie générale montait, Fagerolles était là comme l’enfant gâté de tous.

Vers six heures, par cette pluvieuse journée de mars, la nuit tomba. Les garçons apportèrent des lampes ; et des artistes méfiants, des profils muets