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L’ŒUVRE.

enfin. Depuis huit jours, Fagerolles, dont le carnet débordait de notes, se livrait à des marchandages compliqués pour trouver des voix en faveur de Claude ; mais l’affaire était dure, elle ne s’emmanchait pas avec ses autres engagements, il n’essuyait que des refus, dès qu’il prononçait le nom de son ami ; et il se plaignait de ne tirer aucune aide de Bongrand, qui, lui, n’avait pas de carnet, d’une telle maladresse d’ailleurs, qu’il gâtait les meilleures causes, par des éclats de franchises inopportuns. Vingt fois, Fagerolles aurait lâché Claude, sans l’obstination qu’il mettait à vouloir essayer sa puissance, sur cette admission réputée impossible. On verrait bien s’il n’était pas de taille déjà à violenter le jury. Peut-être y avait-il en outre, au fond de sa conscience, un cri de justice, le sourd respect pour l’homme dont il volait le talent.

Justement, ce jour-là, Mazel était d’une humeur détestable… Dès le début de la séance, le brigadier venait d’accourir.

— Monsieur Mazel, il y a eu une erreur, hier. On a refusé un hors-concours… Vous savez le numéro 2530, une femme nue sous un arbre.

En effet, la veille, on avait jeté ce tableau à la fosse commune, dans le mépris unanime, sans remarquer qu’il était d’un vieux peintre classique, respecté de l’Institut ; et l’effarement du brigadier, cette bonne farce d’une exécution involontaire, égayait les jeunes du jury, qui se mirent à ricaner, d’un air provocant.

Mazel abominait ces histoires, qu’il sentait désastreuses pour l’autorité de l’École. Il avait eu un geste de colère, il dit sèchement :

— Eh bien ! repêchez-le, portez-le aux reçus…